Le prix de l’inaction : pourquoi l’absence de prévention primaire finit toujours par coûter cher
Dans de nombreuses entreprises, la gestion des risques professionnels se résume encore à une réaction a posteriori. On intervient après un burnout, un accident, un conflit ouvert. Cette logique de prévention dite “tertiaire” — qui vise à accompagner les individus déjà en souffrance — est nécessaire, mais largement insuffisante.
En l’absence de prévention en amont, les signes avant-coureurs passent souvent inaperçus : surcharge mentale, tensions non régulées, perte de sens, fatigue chronique. Peu à peu, le climat de travail se dégrade. Les salariés s’épuisent, se désengagent, les équipes se fragmentent. Les managers, en première ligne, sont eux aussi exposés : souvent sans formation adaptée ni marge de manœuvre, ils absorbent les tensions, sans pouvoir agir sur les causes.
Des coûts invisibles mais massifs
Les conséquences de cette approche curative se font sentir à tous les niveaux :
Humain : épuisement professionnel, souffrance psychique, perte de confiance.
Social : désorganisation, tensions internes, sentiment d’injustice.
Économique : absentéisme, turnover, remplacement, procédures juridiques, image employeur dégradée…
Le coût moyen d’un burnout est estimé à plusieurs dizaines de milliers d’euros par salarié. Mais au-delà de ces chiffres, c’est souvent un effet boule de neige qui s’enclenche : la surcharge d’un salarié retombe sur les autres, les tensions s’accumulent, et l’entreprise entre dans une spirale où chaque réponse individuelle aggrave les déséquilibres collectifs.
Même les dispositifs de reclassement ou d’aménagement de poste, pourtant essentiels, peuvent créer un sentiment d’injustice s’ils ne sont pas accompagnés d’une réflexion organisationnelle plus large. Cette redistribution implicite de la charge ou des contraintes est souvent mal vécue par les collègues… et devient le terreau de nouveaux conflits.
La prévention primaire : agir à la racine du travail
Face à ces limites, la prévention primaire s’impose comme une stratégie plus efficace, plus durable, et au fond, plus juste. Elle consiste à agir en amont, sur les causes structurelles des risques professionnels — qu’ils soient psychosociaux, physiques, chimiques ou organisationnels.
Dans le champ des RPS, cela signifie travailler sur :
La charge et l’organisation du travail
La clarté des rôles et des responsabilités
La reconnaissance et les marges de manœuvre
La qualité du management
Les mécanismes de régulation des tensions
Mais cette approche vaut également pour les risques physiques : analyse des postes, des rythmes, des équipements, des expositions… Elle repose sur une vision globale du travail réel, un diagnostic approfondi, et surtout, sur des temps d’échange et de co-construction avec les acteurs concernés.
Au-delà des gadgets : une démarche sincère et stratégique
La prévention primaire ne se limite pas à des gestes symboliques (babyfoot, salle de sieste, appli de bien-être…) qui donnent l’illusion de prendre soin tout en laissant l’organisation inchangée. Elle s’inscrit dans une logique de transformation du travail, partagée, progressive, mais réelle.
Elle permet d’améliorer les conditions de travail, de prévenir les risques à la source, et de restaurer un climat de confiance. C’est aussi un levier de performance collective, de fidélisation et d’innovation sociale.
Ne pas investir dans la prévention primaire, c’est s’exposer à une gestion permanente des urgences, à une succession de crises coûteuses et à une perte progressive d’engagement. À l’inverse, miser sur une démarche structurée, sincère et participative, c’est protéger la santé des salariés, renforcer la cohésion des équipes… et sécuriser l’avenir de l’entreprise.