Du yoga au management bienveillant : les effets pervers du “socialwashing” sur la santé au travail
Une nouvelle salle de pause design, équipée d’une machine à café high-tech. Une salle de sieste, un babyfoot flambant neuf. En façade, tout semble indiquer que l’entreprise prend soin de ses salariés et investit dans la santé au travail. Pourtant, derrière ces aménagements bien pensés, les tensions s’accumulent. Les arrêts maladie se multiplient, les burnouts se répètent, et les réunions de service ressemblent de plus en plus à des zones de repli. La mise en scène de la qualité de vie au travail (QVT) peut parfois n’être qu’un paravent, un vernis de modernité posé sur une organisation du travail délétère restée inchangée.
Quand le bien-être devient une vitrine
La santé au travail est une exigence légitime. Mais certaines organisations, sous couvert d'actions positives (ateliers de relaxation, espaces zen, séminaires bien-être), en font un outil de communication plutôt qu’un véritable levier de transformation.
Cela donne parfois lieu à un paradoxe : les mêmes entreprises qui organisent des cours de yoga à la pause déjeuner sont celles qui imposent des objectifs intenables, tolèrent des managers toxiques, ou ignorent les alertes des CSE.
Ce constat n’est pas nouveau : l’Accord National Interprofessionnel (ANI) de 2013 sur la Qualité de vie au travail posait déjà les bases d’une démarche globale, articulée autour de l'organisation du travail, de la reconnaissance, du dialogue social et de l'engagement collectif. Pourtant, en 2021, son actualisation pointe une dérive persistante : les entreprises privilégient souvent des actions visibles, mais déconnectées du travail réel. Autrement dit, elles “font de la QVT” sans questionner sérieusement le travail lui-même.
Le symptôme masqué plutôt que la cause traitée
Sur le même principe que le “greenwashing”, le “socialwashing” RH s’appuie sur une logique simple : soigner les conséquences visibles (stress, fatigue, tensions), tout en maintenant les causes structurelles inchangées (charge de travail, désorganisation, flou des rôles, pressions contradictoires).
Résultat ? Une dissonance ressentie par les salarié·es :
“On me propose une appli de méditation, mais mon agenda est plein à craquer.”
“On me parle d'écoute, mais personne ne répond à mes alertes.”
“On propose des activités bien-être, mais j’ai beaucoup trop de travail pour y participer.”
Le management bienveillant en vitrine, le contrôle en coulisses
Autre dérive : l’instrumentalisation du "management bienveillant". Dans certaines organisations, il devient une injonction de plus, transformée en outil de culpabilisation (“tu n’es pas assez positif”, “tu manques de résilience”), voire en stratégie d’évitement des conflits (“ici, on est bienveillants, donc on ne critique pas”).
La bienveillance réelle suppose un cadre clair, de la reconnaissance, une prise en compte des contraintes du terrain et une écoute sincère. Sans cela, elle n’est qu’un mot tendance vidé de son sens.
Repenser la santé au travail : sortir du cosmétique
La QVT ne peut pas être un simple catalogue d’initiatives. Elle doit s’inscrire dans une démarche systémique et centrée sur le travail. C’est tout le message porté par l’ANI actualisé de 2021 : la qualité de vie et des conditions de travail ne se décrètent pas, elles se co-construisent, avec les salarié·es, à partir de l’analyse de leur activité réelle.
Cela suppose :
une analyse fine des risques psychosociaux,
des espaces de parole sincères et protégés,
un pilotage stratégique du travail réel,
et surtout, des actes concrets sur l’organisation du travail (répartition des charges, marges de manœuvre, soutien hiérarchique...).
Le yoga n’a jamais remplacé un vrai management. Et la pleine conscience ne guérit pas l’épuisement professionnel si rien ne change dans l’environnement de travail.
Conclusion
Promouvoir la santé au travail est essentiel. Mais elle ne peut pas être une façade. Les salarié·es ne demandent pas un baby-foot. Ils demandent du respect, de la clarté, de la reconnaissance, et des conditions de travail dignes. Tant que ces fondamentaux seront ignorés, la QVT restera une étiquette creuse, et les actions “bien-être” un pansement sur une jambe de bois.
C’est précisément pour aider les organisations à sortir de cette logique d’affichage que JSC Formation a été fondé. Nous accompagnons les entreprises à replacer la qualité de vie au travail dans sa véritable dimension : celle du travail réel, de ses contraintes, de ses ressources et de ses dynamiques collectives. Grâce à une approche rigoureuse, fondée sur les sciences du travail et une expérience de terrain, nous proposons des accompagnements collectifs organisationnels et des formations sur mesure qui ne se contentent pas d’une dimension cosmétique mais qui transforment durablement le travail et la performance.
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